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À la Bourse de Commerce, Arca repousse les limites de la musique

À la Bourse de Commerce, Arca repousse les limites de la musique

Au cœur d’une résidence inédite, étalée du 1er au 3 mars 2024, la productrice vénézuélienne Arca a prouvé qu’elle était l’une des artistes plus talentueuses de sa génération.
4 mars 2024
Arca The light comes in the name of the Voice Bourse de Commerce  Pinault Collection Paris
Arca, The light comes in the name of the Voice, Bourse de Commerce – Pinault Collection, Paris© Photo Léonard Méchineau

Ils sont rares, ces concerts qui changent une vie. Ceux dont on sort les jambes tremblantes, peu sûr·es de pouvoir rentrer chez nous, tant chacun de nos mouvements demandent un effort immense. C’est peu ou prou l’état dans lequel nous a laissé Arca ce samedi 2 mars 2024, à l’occasion d’une soirée d’improvisation au piano et au synthétiseur, sous le dôme de la Bourse de Commerce. Un concert inédit, répété sur deux soirs d’affilée, chacun différent.

Intitulé The Light Comes in the Name of the Voice (en française : “La lumière vient au nom de la voix”), cette exposition protéiforme se présentait comme une séquences d’évènements, principalement articulés autour de deux performances musicales in situ dans la Rotonde de la Bourse de Commerce — Pinault Collection, une présentation inédite des peintures d’Arca et une soirée club programmée par ses soins. Un week-end qui survenait près de cinq ans après le dernier concert de la Vénézuélienne dans la capitale française.

Arca The light comes in the name of the Voice Bourse de Commerce  Pinault Collection Paris
Arca, The light comes in the name of the Voice, Bourse de Commerce – Pinault Collection, Paris© Photo Léonard Méchineau

Arca, diva des temps modernes

Elle arrive, vêtue d’un trench bordeaux reluisant et d'une paire de lunettes de secrétaire argentées. Dessous, rien, ou presque. À mesure qu’elle s’approprie la scène, placée au centre de la Rotonde de la Bourse de Commerce, elle secoue sa chevelure noire en arrière, et ce à intervalles réguliers, sur toute la durée de la performance (qui s’étend sur à peine plus d'une heure), sublimée par les lumières hypnotisantes de Matière Noire & Vincent de Belleval. Comme une manière d’annoncer qu’elle est autant une productrice de renom et une musicienne de génie qu’une star digne d’être admirée pour son allure impeccable. Oui, il faut l’avouer : alors que son compte Instagram frôle le million d’abonné·es, Arca est devenue une popstar à part entière. Loin sont les débuts de l’artiste dans la musique expérimentale et la noise music (ou musique bruitiste en français), ce genre musical caractérisé par l'utilisation expressive du bruit afin de remettre en question la distinction entre ce qui serait un “son musical” et ce qui n’en serait pas. Un genre qui se rapproche donc de la philosophie de la musique plus que de la recherche de mélodie, dans lequel Arca s’est distinguée depuis l’aube de sa carrière.

 

Née à Caracas dans une famille de mélomanes (dont un grand frère à l’impressionnante collection de disques, qui s’étend d’Aphex Twin à Björk), Alejandra Ghersi Rodríguez (de son vrai nom) se plonge très tôt dans l’apprentissage musical, d’abord par le tambour à friction, instrument traditionnel s’il en est, avant de s’intéresser à la production électronique, notamment grâce au logiciel FL Studio. Une transition sans doute guidée par son admiration pour une figure comme Wendy Carlos, pionnière des musiques électroniques actuelles et développeuse du synthétiseur Moog, grâce auquel elle sort en 1968 Switched-On Bach, un album où elle ré-interprète l’œuvre de Jean-Sébastien Bach à l’aide de l’instrument ultra-novateur pour l'époque. En outre, Wendy Carlos était une militante aguerrie, notamment pour les droits des personnes transgenres : elle fait son coming-out en tant que femme transgenre en 1979.

 
 

Chez Arca, comme chez Wendy Carlos, ou la regrettée Sophie, productrice britannique proche du label PC Music, disparue en 2021 à l’âge de 34 ans, l’identité transgenre est presque indissociable de leurs œuvres, tant leurs approches de la musique sont imaginées comme des manières de détruire les barrières entre les genres, et d’expérimenter afin de bâtir des nouveaux chemins, des nouveaux sons. À ce titre, Arca performe presque nue ce samedi 2 mars, face à un public d’adeptes convaincus. Les places se sont écoulées en moins de deux minutes, et les premiers fans faisaient la queue plusieurs heures avant l’ouverture des portes, armés de parapluies face à la tempête parisienne. Non, cela n’a rien d’anodin : depuis toujours, Arca a fait de son corps un objet compris dans son expression artistique. En 2020, pour annoncer son album KiCk i, premier né d’une série monumentale, elle se présentait en créature hybride, mi-femme mi-cyborg. Comme un clin d’œil à l’œuvre ô combien féministe de l’autrice Donna Haraway, qui utilise dès les années 80 et 90 la métaphore du cyborg pour exhorter les féministes à rejeter l’essentialisme afin d’aller au-delà des limites du genre. Elle propose ainsi d’envisager un monde évolutif où l’humain et la machine fusionnent. Toujours à l'occasion de la sortie de KiCk i, Arca s’appuie sur ces mots pour se réinventer en Vénus 2.0 (une déesse née de sang, de sperme et d’écume), perchée sur une paire de talons aiguilles à la taille effarante. Par là même, KiCk i se présente comme l’opus le plus accessible, le plus “pop” d’une artiste issue du monde expérimental, ralliant des collaborations avec des figures connues du grand public, à l’instar de Rosalía. Ce samedi 2 mars 2024, elle prouvait à ses fans français qu’elle n’en avait pas pour autant abandonner les rivages les plus expérimentaux de son identité protéiforme, en constante mutation, malgré son statut de superstar.

Arca The light comes in the name of the Voice Bourse de Commerce  Pinault Collection Paris
Arca, The light comes in the name of the Voice, Bourse de Commerce – Pinault Collection, Paris© Photo Léonard Méchineau

L’expérimentation en live, un exercice d’équilibriste

Arca est depuis longtemps attachée à l’univers nocturne et poisseux des clubs. Les fans de la première heure l’ont connue en jeune geek de la sémillante scène électronique new-yorkaise lors des soirées GHE20G0TH1K du styliste et DJ Shayne Oliver. C’est presque comme une évidence que sa résidence à la Bourse de Commerce se soit terminée en une soirée au sous-sol du musée, ponctuée par des DJ sets de Bobby Beethoven (anciennement connu sous le nom de Total Freedom), du Vénézuelien DJ Babatr, de la productrice et fondatrice du collectif NON Worldwide Nkisi, et de la musicienne Björk, qui a préféré livrer une sélection pointue, de Para One à Eartheater, plutôt que d’accorder une quelconque importance à ses transitions. Cette soirée clôturait ainsi un week-end de performances et d’improvisations, comme une ultime manière de célébrer la musique, sous toutes ses formes.

 

Avant de laisser la place à ses collaborateur·ices derrière les platines dimanche soir, Arca a toutefois fait face à son piano à résonateur magnétique, vendredi et samedi. L’occasion de faire passer son audience à travers un large panel d’émotions, de l’inconfort à la fascination, en passant par l’extase et le malaise. Des mélodies les plus lyriques au piano, en passant par des soufflements dans le micro, des sanglots, des rires ou encore des cris – Arca s’est permise d’explorer tous les bruits, jouant aux équilibristes entre les sons et le silence. La Rotonde de la Bourse de Commerce n’était (bien heureusement) pas remplie, mais ses adeptes se rassemblaient pourtant autour d’elle, dans une attitude commune d’admiration contemplative. Un public plongé dans le silence et le respect face à un génie qui oscille entre immenses moments de grâce et splendides ratés. Car c’est là l’essence de toute l’expérimentation de la Vénézuélienne : revenir au cœur de sa démarche artistique, celle de l’étude éternelle. À croire que la musique (ou le son, on ne sait plus trop, à ce stade de la performance) serait une jungle luxuriante et infinie, dont l’exploration ne pourrait jamais prendre fin. La fin pourrait n'être rien d’autre que la mort.

Arca The light comes in the name of the Voice Bourse de Commerce  Pinault Collection Paris
Arca, The light comes in the name of the Voice, Bourse de Commerce – Pinault Collection, Paris© Photo Léonard Méchineau

 

  • Musique
  • Par Lolita Mang 4 mars 2024
  • 19/03/2024

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