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Comment Bad Gyal s’est imposée comme le renouveau féministe du reggaeton ?

Comment Bad Gyal s’est imposée comme le renouveau féministe du reggaeton ?

Alors que son premier album, La Joia, vient de paraître, Vogue revient sur le parcours étonnant de Bad Gyal, la chanteuse et rappeuse espagnole, pionnière d’un nouveau souffle au sein du reggaeton mondial.

29 janvier 2024

Bad Gyal  Oslo World Festival 2023
© Per Ole Hagen
 

Il semble aisé de comparer Bad Gyal à Barbie. La plupart des médias le font, en s’appuyant sur sa chevelure blonde et son attitude assurée. Née en 1997 dans un petit village au nord de Barcelone, la jeune Catalane s’est imposée en l’espace de quelques années comme la promesse d’un nouveau reggaeton espagnol, plus libre et aventureux que jamais. Alors que son deuxième album, La Joia, vient de paraître chez Universal, Vogue en profite pour revenir sur sa carrière, d’ores et déjà prolifique.

Bad Gyal, une fan de reggaeton dans l’underground espagnol

À entendre son nom d’artiste, et à écouter ses productions, il serait facile de penser que Bad Gyal pourrait être originaire de Jamaïque. Pourtant, c’est à Vilassar de Mar, un village situé sur la côte de la mer des Baléares, juste au nord de Barcelone, que grandit Alba Farelo Solé, avec ses quatre frères et sœurs, tous plus jeunes qu’elle. Vilassar de Mar est un lieu tranquille, où la scène musicale est presque inexistante. “Quelques groupes jouaient du ska et du reggae dans les rues” confie l’artiste au magazine Dazed, en 2018. Malgré cette torpeur ambiante, la musique est presque vitale pour Bad Gyal, et ce, depuis toujours. En grandissant, la scène jamaïcaine l’obsède, et notamment ses artistes incontournables, de Vybz Kartel à Gaza Slim. Dans une interview accordée au magazine Vice en 2017, elle affirme son amour pour le reggaeton et le dancehall “à l’ancienne”. Ainsi, son ADN musical se nourrit de ces influences, tout en les mêlant avec des sonorités plus contemporaines, entre rythmes trap et une dose généreuse d’auto-tune.

Après ses années lycée, la jeune femme étudie la mode à l’université de Barcelone. Une période de sa vie durant laquelle elle produit sa propre musique qu’elle poste sur Internet. C’est en 2016 que tout bascule, alors qu’elle dévoile “PAI”, un morceau adapté du “Work” de Rihanna. Le twist ? La jeune femme chante dans la langue natale : le catalan. Est-ce que le choix de la langue a joué dans le buzz immédiat du morceau ? Difficile à dire, mais Bad Gyal s’est rapidement imposée comme l’une des premières artistes à chanter entièrement en catalan. Aujourd’hui, la vidéo, enregistrée à la hâte sur une pause déjeuner trop courte, alors que l'étudiante cumulait à l’époque une licence de mode le matin, un job dans un centre d’appels l’après-midi et des premiers concerts durant les week-ends, a dépassé les 4 millions de vues. “Je vivais trois vies parallèles” se souvient Bad Gyal, interrogée par le média américain Billboard.

Une chose est sûre : Bad Gyal est arrivée au bon moment, alors que l’Espagne a vu croître ses auditeur·ices de reggaeton de manière exponentielle, notamment chez les adolescent·es. Pourtant, sa place sur la scène reggaeton est ambiguë : elle est blanche, et espagnole (une ancienne puissance impériale) de surcroît – là où le reggaeton et le dancehall ont été créés par des figures noires et latines. La limite entre appréciation culturelle, et véritable appropriation, est fine. Alba Farelo Solé l’a-t-elle franchie ? Sur la question, l’artiste a souvent refusé de s’exprimer publiquement et précise que sa musique multilingue reflète moins ses convictions politiques que ses modes d'expression naturels. À Dazed, elle explique : “La musique que je fais n'est pas purement dancehall, et je n'ai jamais dit que je faisais du dancehall - parce que ce n'est pas le cas ! Ma vie n'est pas celle du dancehall. Je l'aime, je le respecte, mais je ne me mets pas dans la même case parce que je ne suis pas jamaïcaine, je suis espagnole”.

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Bad Gyal  Oslo World Festival 2023
© Per Ole Hagen
 

La révélation mondiale avec Worldwide Angel

Le succès de “PAI” est tel que Bad Gyal est rapidement identifiée comme l’une des artistes espagnoles les plus prometteuses de sa génération. Stakhanoviste s’il en est, elle sort de nouveaux morceaux, dont “Fiebre” (son premier vrai tube, intégré à la première saison de la série à succès Elite, diffusée sur Netflix), “Indapanden” ou encore “No Pierdo Nada”, abandonne ses études et multiplie les concerts dans les clubs de Barcelone. Slow Wine Mixtape, son premier disque, sort en novembre 2016 et l’installe définitivement comme un talent à suivre, dont l’identité musicale mêle sonorités trap et pop expérimentale. Le projet réunit plusieurs producteurs brillants, du Français King Doudou (qui a travaillé avec PNL) à Fakeguido (que l’on retrouve sur le dernier opus de FKA Twigs). Mais c’est surtout Worldwide Angel, en 2018, qui affirme les ambitions de l’artiste, notamment sur la scène internationale. Porté par le morceau “Yo Sigo Iual”, entièrement chanté en catalan, Worldwide Angel s’impose notamment grâce à son utilisation décomplexée de l’auto-tune, un outil encore confidentiel sur la fin de la décennie 2010. En outre, l’opus est en partie produit par le New-Yorkais Dubbel Dutch, collaborateur de Popcaan (star du dancehall) et le Britannique Jam City (qui a travaillé avec Kelela, Olivia Rodrigo ou Troye Sivan) – notamment sur le bien nommé “Internationally”, qui affiche dès son titre les ambitions de la chanteuse.

Depuis ses débuts, Bad Gyal imagine un reggaeton modernisé, infusé de sonorités électroniques dont les curseurs sont souvent poussés à l'extrême. À son identité musicale, c’est une esthétique largement inspirée par les années 2000 que développe l’artiste, entre ses ongles longs, son gloss, son fard à paupières pailleté, ses chokers en diamant et ses jupes toujours plus courtes, comme une manière d’afficher une confiance en soi complètement décomplexée. En témoigne la robe Emilio Pucci arborée par l’Espagnole dans le clip de “Flow 2000” (2021). Un style qui épouse parfaitement les paroles de la chanteuse, qui célèbre, depuis ses débuts, la danse, le monde de la nuit, la fête, et, sans surprise, le sexe.

 

La Joia, un premier album imaginé comme une pierre précieuse

La Joia, le titre du premier album de Bad Gyal, paru ce 26 janvier 2024, peut se comprendre de deux manières différentes. D’abord, la plus évidente : la “joia” comme la joie – celle que l’artiste prend en forgeant une carrière sur sa passion, qui lui permet d’exprimer ses moindres sentiments en collaborant avec des talents qu’elle admire. Mais la “joia” peut également être comprise comme un bijou. Une œuvre parfaite, brillante, précieuse. Le fruit d’un long travail d’orfèvre. Alors que La Joia voit le jour, ce sont déjà huit titres sur quinze que Bad Gyal a déjà dévoilé à son audience, notamment au cours d’une tournée entamée en 2022. Comme une manière de rendre la confection de son premier album publique, de montrer au monde le sang et la sueur dépensés pour achever de premier véritable opus. En outre, La Joia sort huit ans après les débuts de la chanteuse. Interrogée par le magazine Billboard sur la raison de cette attente, Bad Gyal explique : “J’ai senti, pour la première fois, que j’avais assez d’expérience pour me lancer. En termes de composition, de choix des producteurs, de direction… Aujourd'hui, je sais dire si un morceau vaut la peine d’être terminé ou non, quels sont les types de sonorités que je recherche. Et puis je me connais mieux ! Je peux enfin proposer un mélange entre mes origines, et la musique que j’adore et qui m’inspire : le dancehall, le reggaeton, ces musiques caribéennes que j’aime tant”.

 

Avec La Joia, Bad Gyal confirme enfin le statut de star internationale qu’elle désirait plus que tout. On la voit notamment collaborer avec une autre figure émérite du dancehall, Tommy Lee Sparta sur “La Que No Se Mueve”, ou encore avec le rappeur hispano-marocain Morad sur “Así Soy”. Au niveau des productions, la jeune femme a fait appel aux noms les plus respectés du reggaeton. D’abord avec le Colombien Sky Rompiendo, connu pour son travail avec J Balvin. Puis avec El Guincho, collaborateur régulier de Rosalía, ou encore MAG, New-Yorkais d’origine portoricaine à qui l’on doit Un Verano Sin Ti, le dernier album de Bad Bunny. Fidèle, Bad Gyal continue néamoins de travailler avec les producteurs de ses débuts, à l’instar de Fakeguido.

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Profitant allègrement de son ascension fulgurante, Bad Gyal ne s’est rien refusée pour ce premier album. Ainsi, la liste des collaborations, si impressionnante soit-elle, reflète surtout les goûts de la jeune femme, qui s’est offert le luxe d’inviter ses artistes favoris, d’une figure confirmée comme Ñengo Flow à des talents plus émergents, à l’instar de Quevedo. Mais le point fort, et le plus gros tube de La Joia reste “Chulo Pt. 2” – un morceau qui unit Bad Gyal à deux autres superstars féminines du reggaeton mondial : la Dominicaine Tokischa et la Portoricaine Young Miko. Sorti au début de l’été 2023, le tube culmine à ce jour au-dessus des 200 millions d'écoutes sur Spotify, tout en affichant des paroles explicitement sexuelles (longtemps réservées aux hommes).

 

Vers un renouveau féministe du reggaeton ?

Désir féminin, amour entre femmes, sexualités fluides… Bad Gyal, Tokischa et Young Miko s’inscrivent dans une nouvelle mouvance du reggaeton, résolument rafraîchissante. On pourrait citer d’autres figures, comme Tomasa del Real (une tatoueuse chilienne devenue reggaetónera), Ms Nina ou Isabella Lovestory, qui chantent leur amour du perreo et du dancehall, avec une relecture féminine presque inédite. Au magazine Billboard, Bad Gyal le confesse : “En l’espace de 4 ans à peine, j’ai pu observer à quel point l’industrie a changé. À mes débuts, les femmes n’étaient pas écoutées. Maintenant, ce sont elles qui dirigent !”. Si les femmes sont encore loin de diriger l’industrie musicale (Universal, Sony et Warner, les trois plus grandes maisons de disques, qui occupent plus des trois quarts du marché mondial, sont toutes menées par des hommes blancs), force est de constater que le succès des artistes féminines n'est plus isolé. Là où une Ivy Queen, à l’aube des années 2000, était considérée comme la seule chanteuse de reggaeton, dans un milieu ultra-masculin, les années 2020 voient régulièrement fleurir de nouvelles carrières. Et si ces femmes se trouvent conspuées pour leur comportement jugé outrancier, elles ne semblent plus avoir peur de répondre.

Bad Gyal a toujours utilisé sa propre sexualité comme un outil d’émancipation et d’empouvoirement, comme c’est souvent le cas dans la pop (Madonna en est toujours l’exemple le plus probant). Pour elle, le dancehall est devenu une manière de trouver une confiance en elle qu’elle ignorait. Un phénomène qui n’a rien d’apolitique, au sein d’une culture souvent jugée franchement sexiste, voire masculiniste. Et pour cause : dans les plus grands tubes du reggaeton, les femmes ne sont souvent pas épargnées. Il serait pourtant dommage de s’arrêter là. S’inspirant de la rappeuse américaine Lil’ Kim, Bad Gyal revendique un féminisme pro-sexe, sans concession, et le droit de faire ce qu’elle veut, quand elle veut. N’en déplaise aux hommes qui voudraient lui dicter sa conduite.

 

  • Musique
  • Par Lolita Mang 29 janvier 2024
  • 20/03/2024

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